Bruno Jeanbart, d’Opinion Way, me fait remarquer, à propos du blog sur les déterminants du vote Front National, qu’il serait intéressant d’ajouter dans le modèle des données de pratique religieuse : le catholicisme reste-t-il un barrage contre le vote FN ?
Pas simple de répondre à cette question. A ma connaissance, il n’y a pas de source exhaustive au niveau commune à ce sujet. Nous aurions peut-être pu fusionner notre base avec des données d’études, mais nous aurions perdu une des forces du modèle : son caractère exhaustif.
Une voie détournée existe cependant pour répondre à la question, et elle fonctionne merveilleusement. Cela vaut la peine de raconter l’histoire avec un peu de détails.
Le recensement de l’INSEE collecte des données au niveau commune sur la catégorie socio-professionnelle des habitants. Les résultats sont disponibles au niveau 29 postes. Un de ces postes s’intitule « Clergé, religieux » : les chiffres donnent séparément les effectifs homme/femme.
Intégrer directement le pourcentage de religieux parmi les actifs de la commune dans le modèle ne mesure pas ce que nous souhaitons mesurer : l’intensité de la pratique religieuse. Pour plusieurs raisons. Premièrement, il y a deux fois moins de prêtres que de communes : un prêtre intervient donc sur plusieurs communes. Ensuite, on peut penser que les attitudes vis-à-vis de la religion dépassent les frontières de la commune et doivent être mesurées sur des territoires de taille plus significative. Nous avons ainsi calculé le pourcentage de religieux à différents niveaux d’agrégation : le canton, puis la sous-préfecture.
Le bon niveau est celui de la sous-préfecture : plus le nombre de religieux de la sous-préfecture est important, moins il y a de votes FN dans les communes de cette sous-préfecture. L’effet est significatif : -1% de votes FN dans les communes appartenant aux 25% de sous-préfectures à la plus forte densité de religieux. Il semble bien par ailleurs qu’il s’agisse d’un phénomène spécifiquement catholique. Nous avons séparé les pourcentages d’hommes et de femmes religieux : c’est le pourcentage d’hommes qui a un coefficient négatif (très) significatif. Celui pour les femmes n’est pas significatif.
Un dernier enseignement : cet exemple illustre aussi la puissance des données de l’Open Data pour répondre à des problématiques fines et identifier les fameux « signaux faibles ». Le tout est vrai pour bien des gisements de données. A condition, bien sûr, de savoir les manipuler et de maîtriser les bonnes techniques d’analyse. A ce sujet, les lecteurs intéressés peuvent nous contacter pour en savoir plus, et envisager comment l’Open Data et/ou leurs fichiers de données clients peuvent permettre d’optimiser les réponses à leurs besoins de prise de décision.